Monday, October 1, 2018

Tébriz (M. Edmond Le Cointe, 1892)


Tébriz


Le Tébrizli n'a rien de commun avec les anciens Perses; c'est un intrus sur la terre de Cyrus. Les divers conquérants de Tébriz ont, au moyen âge, fait égorger ou transporter dans l'Irak toute la population persane de la ville qu'ils ont colonisée avec des Turcs. Les Persans de Tébriz qui descendent de ces Turcs et s'appellent eux mêmes Turki, n'ont des Persans que la religion : ils sont chiytes et les plus fanatiques des sectateurs d'Ali. Les processions sanglantes du mois de Moharrem, où les plus zélés musulmans, revêtus d'un cilice blanc, vont par les rues en se tailladant le corps à coup de sabre, sont un des spectacles les plus répugnants que l'on puisse imaginer; à Tébriz et au Caire seulement le fanatisme atteint de pareilles proportions. La populace de la ville est tout entière dans la main des Mollahs et du grand Mousteheyd qui, après le Mousteheyd de Kerbèla, le pape du chiysme, est le personnage du clergé persan le plus influent et le plus ennemi des Européens et des coutumes européennes. Sur un signe de lui les quartiers arménien et européen seraient mis à sac. La crainte des Russes, dont les régiments pourraient en deux jours accourir de l'Araxe à Tébriz, contient seule le fanatisme et les rancunes du clergé chiyte qui ne supporte qu'avec impatience la présence des chrétiens et voit avec colère leur influence grandir auprès du Chah.
Quant à la langue des Tébrizli, c'est le turc oriental ou Djaghalaï, qui ne ressemble que de loin à l’osmanli de Stamboul et n'est à vrai dire qu'un patois dur et pauvre en mots, mais simple et, fort; il a trente-trois lettres et s'écrit de droite à gauche comme l'arabe et le persan.


M. Edmond Le Cointe, Tébriz (Azerbaïdjan) // Revue de géographie. Seizième année. Tome XXXI, Juillet-Décembre, 1892, p. 168.

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